Déclics et des claques

Publié le par 2047.over-blog.com

Ha ha moi j'aime les fins d'année quand on se dit qu'il est l'heure du bilan et que finalement tout est à reprendre à cause de ce qui se passe - encore. Donc pas de bilan, en avant !

 

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C'était les soirées des bonnes compagnies. On commence au cinéma avec Mathilde, retour à Bègles au milieu d'une foule en délire (sept personnes au moins !) pour la découverte d'un manga, Colorful de Keiichi Hara, déjà réalisateur du prometteur mais finalement pas si bien que ça Un été avec Coo. Ici, sujet sensible et inattendu, le suicide adolescent au Japon, preuve s'il en était besoin que le manga reste le terrain d'animation le plus pointu du cinéma. Donc un long récit (mais sans longueurs), autour de la résurrection métaphorique d'un jeune suicidé avec une nouvelle âme, chargée de comprendre qui il était, ce qu'il vivait et ce qui l'a amené à son geste. Le film explore à la fois la famille, la vie quotidienne, les relations au lycée notamment autour de deux filles que tout oppose. C'est toute une partie de la vie sociale japonaise qui est ici auscultée, avec finesse et sensibilité, sans oublier beaucoup d'humour, puis les charmes d'une rencontre amicale avec un autre mauvais élève de la classe. Le film prend le temps, et c'est ce qui lui confère, outre ses différentes humeurs, tout son charme. On s'attache, on comprend peu à peu, on va au-delà des apparences, on rit et on est ému: toute une palette qui fait de ce manga unn fort bonne surprise, évidemment très peu diffusé, mais qu'il faut absolument découvrir si la possibilité se présente.

 

Et deux jours après, on continue notre exploration des lieux culturels déserts de la région, c'est reparti pour St André de Cubzac où une foule en délire (60 personnes, dont beaucoup d'abonnés à cette salle !) attend...Alex Beaupain ! Ah mais ça c'est énorme: le parolier de Christophe Honoré, auteur également de deux albums ces dernières années plus que recommandables, je l'avais déjà vu et évoqué dans mon ancien blog pour un spectacle, ici c'est lui et rien que lui, presque que pour nous. Alors au final, il y eut d'abord le plaisir de découvrir une charmante contrebassiste...puis la bonne humeur du Monsieur entre les chansons (m'étonnerait pas qu'il ait un peu copié Pierre lapointe), et surtout la mélancolie rageuse de ses chansons: on a eu les meilleures (sauf une), et on a eu presque toutes les Chansons d'amour. Il a même fait pleurer ma belle le bougre ! Eh ho ! Très émouvant, content d'être là (malgré tout pourrait-on dire), le voilà affiché désormais dans mon salon, parce que mine de rien, même s'il a "oublié" tout titre des Bien-aimés, force est de reconnaître que Beaupain a une place unique dans mon histoire musicale et cinématographique. Ravi de l'avoir (re) vu, celui-là.

 

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On change de partenaire mais on continue les concerts. Un roulement de tambour en l'honneur de Monsieur le Roi de la bibliothèque, qui en plus de m'approvisionner grassement en oeuvres de tous genres (même de la musique du monde, grrr !) m'a fait l'honneur de répondre à mon invitation. Première fois je crois depuis 10 ans que j'invite un garçon ! On pourra dire qu'on aura parlé et c'était très bien ainsi: les murs sociaux ont pas tenu longtemps, ce fut directement  personnel, et on aura parlé tellement que j'en oubliais un peu le concert ! Allez zou on file au I-boat, un ptit joint aux bassins à flots parce que c'est trop tentant là-bas, et c'est parti pour The field, cet hallucinant groupe suédois qui marie comme peu hypnotisme technoïde et pop enlevée. Une fois de plus, la foule en délire est au rendez-vous (une quinzaine de personnes ?), c'est déjà commencé, hum trois bruns aux machines, et un gros doute: c'est la première partie ou c'est The Field ??! Une chanson sur deux le doute revient, alors que rien ne correspond !, puis finalement ouf c'était la première partie. Une petite surprise à la pause avec un jeune qui ouvre des yeux hallucinés en me voyant (on s'est côtoyé au boulot il y a 7 ans me révèlera-t-il...) puis arrive la machine The field: Un bassiste peu expansif, une armoire en guise de batteur tout content visiblement d'être là, et au centre coiffé d'une bonnet le bidouilleur en chef qui ne relèvera pas une seconde la tête de ses consoles, je suis même pas sûr qu'il savait qu'il était dans un concert ! Et alors ?    Ah ben un des sommets concerts de l'année, et la salle s'était correctement remplie: en fait c'est toujours un peu pareil, mais c'est toujours énorme. Et hop je mets une montée progressive, et hop des petites boucles pop, et vlan le batteur se déchaîne, on accélère tout, et on fait durer le plus longtemps possible. Raaaah c'était d'une puissance, si j'étais pas moi j'aurais sauté partout (mais Mr Bibliothèque lui se déchaînait sur le dance-floor - il nous aurait fait chavirer le bateau !). Les morceaux s'enchaînaient sans pause, et même si j'aurais pas été contre quelques morceaux en plus, ce fut vraiment un "spectacle" de toute beauté puissante. The field, référence de la fin d'année.

 

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Faut bien être aussi seul parfois...une virée ciné pour voir Shame, le nouvel opus de l'anglais Steve Mac Queen, qui nous avait remué les tripes avec Hunger, insoutenable mais génialement filmé évocation de la grève de la faim jusqu'à la mort de membres de l'IRA. Le thème du nouveau, l'histoire d'un sex-addict, m'indiffère franchement, mais je suis curieux de voir ce que cet ancien vidéaste amène au cinéma. Et si le film est inégal, il y a clairement là un des metteurs en scène les plus intéressants du moment.  Alors donc un yuppie type Bret Easton Ellis, froid comme un glaçon, bavard comme un parisien que je connais bien, et sex-addict comme je dirai pas qui ! voit surgir dans son existence sa soeur un peu larguée, et peut-être aussi quelques sentiments dans sa carapace, à cause de sa soeur, et pour une collègue. Sur le papier donc, rien de bien nouveau, surtout que certains aspects de la fin m'ont moyennement convaincu. MAIS...mais d'abord il y a un acteur stupéfiant, le même que dans Hunger, et dont on parle beaucoup en ce moment. Et surtout il y a cette mise en scène, certes froide (pas ce que je préfère) mais surtout virtuose: quelques scènes scotchent littéralement (mention spéciale pour moi au jogging nocturne, et à la rencontre avec le fille toute en couleurs dans le métro), une utilisation assez particulière de la musique classique, et un repas au restaurant digne des grands suspenses hitchcockiens (Quoi ?? ce mur peut-il parler avec une femme ??!) Et que va-t-il dire ??). Après réflexion, si j'ai quelques réserves sur la froideur de ses films et les thèmes qui m'attirent peu, je reconnais malgré tout sans hésitation quelqu'un qui semble construire une oeuvre, et sur qui il faut absolument garder les deux yeux grand ouverts sur les chemins qu'il emprunte.

 

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Pas facile hein d'offrir une BD à Noël ? Laquelle choisir ? Ne cherchez plus, en voilà trois qui pourront vous être utiles. Votre futur cadeauté aime rire et les animaux ? Allez hop La marche du crabe (tome 1, mais le 2 est déjà sorti) d'Arthur Du Pins va l'amuser, surtout s'il connaît déjà la version, plus courte, en animation, dont j'ignorais l'existence. Qu'importe: vers Soulac (on voit même le bac du Verdon !) sur la plage différentes sortes de crabe vivent leur vie, ou veulent en changer. Au centre: des crabes qui ne peuvent avancer que dans une seule direction. Autour: des gangsta-tourteaux, les humains, etc...Les histoires d'animaux qui font les humains, c'est la tarte à la crème du début du siècle, entre les Pixar et une foule de BD. Quand c'est bien fait c'est drôle, ici c'est le cas, léger, bourré de clins d'oeil, ça marche, sans rien révolutionner (clin d'oeil à la fin du tome 1).

 

Un enchantement de Christian Durieux s'inscrit dans la collaboration entre Futuropolis et Le Louvre, qui à chaque fois pour moi amène une agréable lecture. C'est encore le cas ici, où un homme âgé s'échappe d'une cérémonie en son honneur et tombe sur une mystérieuse jeune femme fort jolie qui va déambuler avec lui dans le Louvre et dans leurs vies. Entre fantasmes et histoire de l'art, cette courte BD ne manque pas de charme et comblera donc en tant que cadeau ces gens de la famille qu'on connaît mal mais qui s'intéressent à la peinture (ou autre).

 

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Mais le meilleur, et de loin, reste le plus délicat à offrir. La BD choc (mais, gros choc) vient de chez Actes Sud, habitués de cet effet, c'est l'américaine Joyce Farmer qui avec Vers la sortie nous plonge dans le quotidien d'un couple très âgé, pour nous faire partager leurs dernières années. Et attention, c'est un ouragan. Très peu de personnages, le couple et leur fille d'une cinquantaine d'années qui les aide tant et plus, et parfois son mari, puis un petit-fils et sa famille. Mais c'est ce couple qui est au centre de tout, et je l'avoue avec grande joie et serrement de coeur, il semble impossible de lire cette BD sans voir ou revoir ses grands-parents, dans leur vieillesse puis leur déclin. Cette BD est donc aussi poignante que stupéfiante dans son étude du quotidien, chaque détail relève d'une observation lucide mais aussi attendrie: tout n'est pas horrible, mais tout amène vers la sortie et ainsi vers une tragédie acceptée ou non. Il y a des rires, des sourires, une combativité exemplaire, des espoirs, et puis toutes ces négations de la vérité en marche incontrôlable: il ne faudra plus conduire, On ne vas plus voir le docteur, on ne se nourrit plus bien, puis les complications arrivent inéluctablement. D'une densité et d'une puissance rare, cette BD fait autant de mal que de bien. Mal par son réalisme (mention spéciale aux micro-pensées surgissant de manière inattendue, qui sont d'une justesse terrifiante), mais du bien aussi par l'humanité forcenée et admirable des personnages (même dans leurs mauvais côtés à tous, le manichéisme est absent ici), tant et si bien ou si mal qu'on finit la lecture, longue et dense, à terre, larmes aux yeux, sans savoir ce qui gagne alors: la tristesse, l'émotion, ou la gratitude d'avoir été si longtemps, au long de ces nombreuses pages, aux côtés et dans l'intimité de personnages âgés qu'on a plus ou moins connu, et qui si ilsne sont plus là n'en seront pas pour autant oubliés. Une déflagration, coeurs sensibles s'abstenir.

 

Allez, hypnose...

 

 

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